Lettre d'Henri Généstal
Maire du Havre
au Président de la
République
Le HAVRE, le 29 Décembre 1910
Monsieur le Maire
A Monsieur Armand FALLIERES,
Président de la République
Monsieur le Président,
Les Conseillers Municipaux du Havre n'ont pu rester étrangers à l'intense émotion suscitée dans tout le pays par la condamnation de Durand. Cette émotion devait être plus vive encore dans notre ville où sans aucune distinction d'opinion, toutes les personnes qui ont été à portée d'apprécier les circonstances de l'affaire, et particulièrement celles qui connaissent le condamné, ouvrier d'élite, n'ayant jamais pris part à aucune manifestation de violence, sont absolument convaincus qu'il y a eu erreur de faite.
Estimant que le devoir leur incombait, en leur qualité de représentants de la Ville où se sont passés les événements et où l'opinion est unanime au sujet de leur véritable caractère, de faire tous leurs efforts pour amener la réparation de cette déplorable erreur, les Membres du Conseil Municipal réunis hors séance le 28 décembre courant, ont émis le vœu " que Monsieur le Président de la République use de la façon la plus large de son droit de grâce en faveur de Durand."
J'ai l'honneur de vous transmettre le texte intégral de ce vœu et de vous prier de bien vouloir m'autoriser à accompagner Monsieur COTY, Avocat du condamné lorsque celui-ci sera reçu en audience par vous, afin de me permettre de vous entretenir des observations personnelles qu'il m'a été donné de faire au-cours de la grève des charbonniers.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes respectueux sentiments.
VŒU DU CONSEIL MUNICIPAL
DU HAVRE
Les conseillers municipaux du Havre réunis hors Séance le 28 décembre 1910.
Considérant que la population Havraise, sans distinction d'opinion, s'accorde à déplorer le verdict qui a déterminé la condamnation de Durand à la peine de mort ;
Considérant que ce
verdict qui ne peut s'expliquer que par une lourde erreur, n'est pas de nature à donner confiance à l'opinion publique
Considérant que, s'il est nécessaire de réprimer avec fermeté les atteintes portées à l'ordre public, il importe également que les consciences ne soient pas troublées par la crainte légitime d'une erreur judiciaire qui enverrait au bagne un homme, dont la culpabilité ne paraît pas démontrée.
Emet le vœu que Monsieur le Président de la République use de la façon la plus large de son droit de grâce en faveur de Durand.
La copie de cette lettre a été remise symboliquement par les Amis de Jules Durand à Edouard Philippe, Maire du Havre, lors de l'ouverture des journées d'études sur l'affaire Durand le 14 novembre 2013