Troisièmes journées Jules Durand
24 et 25 novembre 2016
Université du Havre
Colloque international
Réseaux et solidarité internationale
face à la répression dans les ports et en mer
Colloques, congrès, journées d’étude et séminaires
Manifestation scientifique ouverte au grand public
Manifestation scientifique pour la Recherche
Le colloque « Réseaux et solidarités internationales face à la répression dans les ports et en mer » reviendra sur l’affaire Jules Durand, et cherchera à la rapprocher d’autres phénomènes de répression dans les ports et en mer qui déclenchèrent aussi une solidarité internationale, dans d’autres lieux, à d’autres époques, sur d’autres questions.
La violence du conflit qui eut lieu dans le port du Havre en 1910 avait été préparée tant en France qu’au niveau international par des consignes émanant de réseaux internationaux d’armateurs (International Shipping Federation) ou de travailleurs des transports (International Transport Workers Federation). Ces préparatifs comprenaient le recours au lock-out, à des nouvelles machines et à des travailleurs non-grévistes importés d’ailleurs (Anglais à Anvers, Kabyles à Marseille). Après la condamnation à mort du dirigeant gréviste havrais à la suite de faux témoignages et d’une machination orchestrée par une grande compagnie (action apparemment rare, voire exceptionnelle dans l’histoire de la Troisième République), des manifestations de soutien éclatèrent dans toutes les villes de France, particulièrement les ports, en Europe (Barcelone, Gênes, Anvers, Bruxelles, etc.), en Amérique et en Australie. Quelles cultures de la solidarité et réseaux de diffusion de l’information ont permis une telle ampleur de la protestation ?
L’étendue du mouvement constaté en 1910 et 1911 avait-elle été préparée par des campagnes d’informations, de solidarité ou d’entraide développées par des réseaux au cours du dix-neuvième
siècle (francs-maçons, œuvres sociales chrétiennes des marins, fédérations syndicales, socialistes, anarchistes, maisons des gens de mer, habitués des cafés et auberges de différents ports,
récits oraux, chansons, publications) ? Existait-il un monde des travailleurs des ports et de la mer support d’éléments culturels communs à plusieurs pays reliés entre eux par la
navigation ?
D’autres cas de répressions et de solidarités ont-ils eu les mêmes caractéristiques que les campagnes en faveur de Jules Durand ? Un peu auparavant, en 1905, une mutinerie avait éclaté à
bord du cuirassé russe, le Potemkine ; elle fut immortalisée vingt ans plus tard par le film manifeste de Sergueï Eisenstein. En 1908, un jeune docker suédois anarchiste de Malmö, Anton
Nilsson, fut condamné à mort en 1908, à la suite d’une grève et d’un attentat, il devint par la suite une sorte de héros des ouvriers révolutionnaires scandinaves. En 1909, une grève des
dockers, au cours de laquelle des briseurs de grèves furent importés, comme durant celle du Havre de 1910, eut lieu à Anvers.
Plus tard, après la Grande Guerre, des marins français refusèrent d’agir contre la révolution soviétique ; poursuivis, ils furent défendus par une grande campagne en faveur des « mutins de la mer Noire ». Entre 1921 et 1926, la révolution chinoise prit naissance dans les grèves de marins et dockers et les boycotts de solidarité organisés à Hong-Kong, Canton, Shanghaï, durement réprimés, et évoqués dans le roman d’André Malraux, La Condition humaine. En 1934, le dirigeant communiste des dockers de Hambourg, Edgar André, condamné à mort par le régime nazi, fit l’objet d’une importante campagne internationale animée par le mouvement communiste. Dans un autre registre, le dirigeant du KPD allemand détenu à Buchenwald, Ernst Thaelmann, ancien docker de Hambourg, était connu par une photo le représentant avec une casquette de marin ou docker de Hambourg. A Amsterdam, des dockers firent grève contre la rafle des juifs. Leur dirigeant, Henk Sneevliet, fut arrêté et exécuté par les Nazis le 13 avril 1942. Une statue rappelle ce geste héroïque.
Plus récemment, en 1995, les dockers de Liverpool qui tentaient de défendre leur emploi, durent faire face d’abord à la répression patronale (licenciements massifs), puis à celle,
relativement bon enfant de la police municipale, puis à celle plus violente de l’unité spéciale de police, l’OSD (Operational Support Division), souvent appelée « Robocops », alors
que le gouvernement conduisait une campagne de dénonciation de la grève dans les média. Cette grève suscita une vaste campagne de soutien, au Royaume Uni et à l’international, notamment dans
les ports du monde.
Ces luttes, la répression, la solidarité ont trouvé une expression dans des chansons, des récits, des romans, des pièces de théâtre, des films, qui ont souvent eu une carrière internationale,
en tout cas, un retentissement bien au-delà du port. Citons par exemple le film de Ken Loach, Une flamme vacillante (A Flickering Flame, 1997, 52 minutes, connu en français sous le titre Les
dockers de Liverpool) qui eut un rôle important dans la popularisation de la grève en Europe. Ou Adalen 31 de Bo Wideberg 1969, sur la Suède, et Le rendez-vous des quais de Paul Carpita
1950-53, sur Marseille. Les représentations des conflits en mer et dans les ports, comme le film de Ken Loach, ont contribué à leur retentissement, et méritent d’être analysées.
Notre exposition a été présentée au cours de ces journées du 21 au 25 novembre 2016, dans l'amphi Jules Durand, à l'Université du Havre, pour accompagner le Colloque international Réseaux et solidarité internationale face à la répression dans les ports et en mer .